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Photo du rédacteurJacqueline Ripart

Jardinier et/ou berger ?





















Du point de vue de l’étymologie, le mot « culture » est issu du mot latin Cultura, lui-même issu du mot latin Colere : habiter, cultiver, ou honorer. Ce qui suggère que la culture se réfère, en général, à l’activité humaine, à l’action de cultiver, dans le domaine de l’agriculture en particulier.


Cicéron fut le premier, dans la Rome Antique, à appliquer le mot Cultura à l'être humain. Dans son œuvre philosophique « Tusculanes », vers 45 av J.C., il écrit qu’un champ, aussi fertile soit-il, ne peut être productif sans culture, et que c'est la même chose pour l'humain sans enseignement.

Un champ,

bien que fertile,

sans la culture,

ne peut donner de bons fruits,

de même l’âme sans enseignement ;

ainsi chacune des deux choses

sans l’autre est impuissante.

Cicéron - Tusculanes, II, 13 - Août 45 av J.C


La culture, ainsi définie, désigne à la fois le soin que l'on donne à la terre, et l'attention que l'on donne à l'esprit ; à la fois l'action de cultiver la terre et l'ensemble des connaissances acquises par un individu.


D’où la signification du verbe cultiver : faire grandir, donner vie, et prendre soin.

Le cultivateur sait que la Terre est un processus vivant qui nécessite qu’on en prenne soin et qu’on le préserve pour que la terre continue à vivre. Ce cultivateur et donc à la fois paysan et jardinier :

- paysan au sens où il produit la nourriture et le pain sans lesquels le genre humain ne pourrait pas subsister

- jardinier au sens où il prend soin de la nature.


Rappelons que ce lien, entre le travail de la terre et sa préservation, qui est au cœur de la pensée écologique, était déjà cité dans la Bible, au livre de la Genèse : Adam, qui était le premier homme à avoir été créé par Dieu, lors du sixième jour de la Création, fut placé par Dieu dans le jardin d’Eden pour qu’il cultive le sol et garde le jardin:

8. L'Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l'est, et il y mit l'homme qu'il avait façonné.

9. L'Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute sorte, agréables à voir et porteurs de fruits bons à manger. Il fit pousser l'arbre de la vie au milieu du jardin, ainsi que l'arbre de la connaissance du bien et du mal.

15. L'Eternel Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden pour qu'il le cultive et le garde.

Le jardin d'Eden (Genèse 2.4-25)


Par ailleurs, à la fin du 18ème siècle, Thomas Jefferson, homme d’État américain, introduisit une nouvelle conception du paysan, en affirmant :

Le paysan est vertueux non parce qu’il est proche de la nature, mais parce qu’il est indépendant. C’est-à-dire qu’il est aux commandes de sa propre activité, responsable de ses initiatives comme de leurs conséquences, non soumis à un maître ni même à sa tâche, mais en dialogue avec son coin de terre et sa ferme.

Thomas Jefferson, homme d’État américain, principal rédacteur de la Déclaration d’indépendance des États-Unis en 1776, troisième président des États-Unis de 1801 à 1809.


En 2016, Joëlle Zask, professeure de philosophie à l’université d’Aix Marseille, et auteure de plusieurs ouvrages, explique ceci :

En cultivant son coin de terre, le paysan se cultive lui-même, car il réalise et développe son humanité : il réalise que la culture est à la fois indépendante de lui et reliée à lui.

(...) Regarder le cultivateur du côté de son rapport à la Terre, à sa manière d’habiter la Terre, c’est rechercher dans le fait même de cultiver la terre ce qui est aussi culture de soi et culture de la communauté, « civilisation ».

Joëlle Zask, Professeur de philosophie à l'université d'Aix-Marseille,

en délégation au CNRS à l'Institut Marcel Mauss, EHESS, Paris,

autrice de La Démocratie aux champs, Paris, La Découverte, 2016.


C’est pourquoi elle affirme, dans la suite de ses travaux :

Le cultivateur, dans son face-à-face avec la terre cultivée et les solidarités qui s’en dégagent, habite la Terre sur un mode pleinement démocratique.

Joëlle Zask,


Bien sûr, il s’agit du travail du cultivateur, donc de la culture de la terre, c’est-à-dire de l’agriculture paysanne qui préserve la terre, la renouvelle, l’amende, la fait vivre. Ce qui exclut l’agriculture industrielle qui la fait mourir en la forçant et en lui arrachant ses fruits.


Car, dans sa nature basique, première, le paysan produit non en vue de la richesse, mais en vue d’assurer les conditions d’existence sans lesquels l’humanité périrait.


Le paysan est cultivateur et aussi bien souvent éleveur. Or l’éleveur, en tant que pasteur ou berger (en période de transhumance, ou chez les pasteurs nomades), assume un rôle important de protection. Et son rôle de guide a souvent utilisé dans la mythologie, car le berger évoque le guide qui mène ses brebis vers de verts pâturages et les défend des prédateurs et autres dangers.


Le soin et le respect des territoires, qu’il choisit d’arpenter avec ses troupeaux, est primordial, pour en assurer la pérennité (l’herbe, l’eau, la végétation, etc.).


Selon les propos cités auparavant, de Joëlle Zask à propos du cultivateur, le pasteur, dans son rapport à la Terre, sa façon de l’utiliser, sa manière d’habiter la Terre, doit aussi savoir faire preuve de véritables aptitudes relationnelles pour dialoguer avec les différents usagers, afin de gérer le partage de l’espace pastoral, le partage du territoire.


* Texte proposé en introduction de la réunion Trobienphilo, sur Zoom, le 10 octobre 2022


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