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De l'enjeu actuel du commun - des communs...



Selon la philosophe Corine Pelluchon :

« Nous appartenons à un monde commun composé des œuvres de nos ancêtres, de l’écosphère* dans sa totalité et de la biodiversité*. Ce monde commun, qui nous accueille à notre naissance, nous survit, et nos actes, même les plus quotidiens, sont aussi à évaluer en fonction de la manière dont nous le préservons et dont nous offrons à nos descendants la possibilité de s’en nourrir et de le nourrir ».

Corine Pelluchon (1), 2015, p. 315

Les Nourritures. Philosophie du corps politique, Paris, Éditions du Seuil).


*Écosphère : désigne un écosystème dans lequel plusieurs niveaux interagissent les uns avec les autres : la matière, l'énergie et les êtres vivants. Le terme a été créé par l'écologiste américain Lamont Cole en 1958. *Biodiversité : c'est le tissu vivant de notre planète - diversité des espèces et des individus au sein de chaque espèce en relation avec le milieu où ils vivent.


Le monde commun était la préoccupation centrale de la pensée de la philosophe allemande Hannah Arendt. De son point de vue :

« Le monde et les hommes qui l’habitent font deux. Le monde s’étend entre les hommes, et cet “entre ” est aujourd’hui l’objet du plus grand souci et du bouleversement le plus manifeste dans presque tous les pays du monde."

Hannah Arendt (2) « Condition de l’homme moderne » ( 1961)


En s’éloignant de la philosophie pour se rapprocher du droit, voici la définition « des communs, selon Daniela Festa :

« Les communs désignent des formes d'usage et de gestion collective d'une ressource ou d'une chose par une communauté. Cette notion permet de sortir de l'alternative binaire entre privé et public en s'intéressant davantage à l'égal accès et au régime de partage et décision plutôt qu'à la propriété. Les domaines dans lesquels les communs peuvent trouver des applications comprennent l'accès aux ressources mais aussi au logement et à la connaissance. »

Article de Daniela Festa (3)

- avec la contribution de Mélanie Dulong de Rosnay et Diego Miralles Buil),

« Les communs », Géoconfluences, juin 2018.

URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/communs



L’une des thèses majeures de Pierre Dardot et Christian Laval, consiste en effet à distinguer ce qu’on appelle généralement les communs (ou biens communs) – c’est-à-dire des ressources auxquelles s’appliquent des régimes juridiques qui en permettent le partage et la gestion collective – et « le commun ». Les auteurs écrivent ainsi :

« Le commun n’est pas un bien, et le pluriel ne change rien à cet égard, car il n’est pas un objet auquel doive tendre la volonté, que ce soit pour le posséder ou pour les constituer. Il est le principe politique à partir duquel nous devons construire des communs et nous rapporter à eux pour les préserver, les étendre et les faire vivre.

(…) Le commun est à penser comme co-activité, et non comme co-appartenance, co-propriété ou co-possession. »

Pierre Dardot et Christian Lava (4)l,

« Commun : Essai sur la révolution au XXIe siècle

(Paris, Éditions La Découverte, 2014)


Mais Pierre Joseph Proudhon, théoricien révolutionnaire du XIXème siècle, conteste la propriété autant que la communauté. Voici ce qu’il en pense :

« Je ne dois pas dissimuler que, hors de la propriété ou de la communauté, personne n’a conçu de société possible : cette erreur à jamais déplorable a fait toute la vie de la propriété. Les inconvénients de la communauté sont d’une telle évidence, que les critiques n’ont jamais dû employer beaucoup d’éloquence pour en dégoûter les hommes. L’irréparabilité de ses injustices, la violence qu’elle fait aux sympathies et aux répugnances, le joug de fer qu’elle impose à la volonté, la torture morale où elle tient la conscience, l’atonie où elle plonge la société, et, pour tout dire enfin, l’uniformité béate et stupide par laquelle elle enchaîne la personnalité libre, active, raisonnée, insoumise de l’homme, ont soulevé le bon sens général, et condamné irrévocablement la communauté. "

Pierre-Joseph Proudhon (5), texte extrait de

« Qu’est-ce que la propriété ? Recherches sur le principe du droit et du gouvernement »,

premier mémoire, 1840 (Chapitre V, Seconde partie, 2).


Le sociologue Jean Rivelois conclut ainsi:

« En s’appuyant sur les plus anciens théoriciens du bien commun (Aristote et Thomas d'Aquin), on peut penser que l'homme, par son travail et ses entreprises, ne produit pas que des choses abstraites comme du profit, de la valeur ajoutée ou de la croissance. A travers ses activités, l'homme façonne le monde en lui ajoutant des biens : des voitures, des routes, des villes, des centrales nucléaires, des produits alimentaires, des contenus culturels, des robots, des armes... Il crée le monde commun dans lequel il va ensuite se nicher et pouvoir (ou pas) se développer en produisant des normes (respectées ou non) de partage des ressources, en rencontrant les autres de façon harmonieuse (ou non), pour, finalement, trouver (ou pas) son accomplissement et son bonheur.

(…) Si l’économie détruit la substance même de la société (ses ressources naturelles et la qualité de son tissu social et culturel), le risque est de déboucher sur des sociétés riches mais inégalitaires, prêtes à verser dans le consumérisme ou le populisme identitaire (raciste, communautariste ou nationaliste). Aristote avait donné un nom à cette pathologie : la chrématistique, c’est-à-dire la recherche de l'accumulation monétaire pour elle- même ; il y voyait la fin de la politique, le triomphe de l'économie et la négation du bien commun. "

Jean Rivelois, sociologue, chargé de recherches,

UMR Cessma, Institut de recherche pour le développement (IRD),

membre du projet "Informalité, pouvoirs et envers des espaces urbains "(INVERSES)


Extraits de texte présentés par J. Ripart le 13 juin 2022, lors de la réunion en visio-conférence du groupe Trobienphilo

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